Autant être clair tout de suite : ici « relâché » est un synonyme de trop ramolli, ramoumou, et encore plus précisément super trop mou, voire liquide, voire très odorant, le type d’odeur qu’on n’a pas envie de sentir (oui, je parle bien de la diarrhée dans les trois premières lignes de cet article)… Et bien sûr, parfois ça veut se « relâcher » au mauvais moment au mauvais endroit… aaaahhh, la peur de ne pas trouver de WC…
Évidemment il existe son contraire, tout aussi pénible : constipé, bouché, bloqué, l’impression que l’on va exploser… mais rien ne veut sortir… et finalement s’extirpent péniblement des petits « cailloux » coupant comme des rasoirs sur notre délicate anatomie…
Pourquoi tous ces charmants mots sur un sujet qui nous fait un peu rougir parfois? Parce qu’il est grand temps de ne plus rougir en parlant de nos problèmes de transit. Allez, employons les bons termes, ceux qu’on ne dit qu’à demi-mot :
NOS PROBLÈMES DE CACA.
Alors, crottes de bique, serpentins, ou trucs bizarres dedans parfois ?
Et en plus tu es souvent ballonné(e) ? Le ventre gonflé, au point que dans la rue ou les transports en commun on t’a déjà cédé la place parce que l’on croyait que tu attendais un heureux événement (et c’est une façon plus élégante de le dire) ?!
Et si on ajoutait à cela le fait que t’arrêtes pas de péter ? Avec, au choix, les sonores, les rafales ou bien les silencieux mais fatals ? Tu te demandes ce qui t’arrives ? Pourquoi ton cher et tendre (ou ta chère et tendre bien sûr) n’a pas de guerre atomique (douleurs comprises) dans le ventre alors que vous mangez la même chose ?
Ou même sans manger, tout simplement lorsque que ton patron te presse comme un citron, que tu dois absolument avoir le bus de 17h07 ou que Dobby meurt dans le dernier Harry Potter ?
Est-ce que tu as déjà pensé au Syndrome de l’Intestin Irritable ?
Je dis ça, parce que toutes ces joyeusetés ressemblent aux symptômes du Syndrome de l’Intestin Irritable.
Le Syndrome de l’Intestin Irritable, c’est un trouble plutôt courant que l’on retrouve aussi sous le nom de Colopathie fonctionnelle ou Syndrome du Colon Irritable. C’est la même chose. «Syndrome de l’Intestin Irritable» est l’appellation la plus récente, mais les deux autres sont encore très employées.
Cette maladie, car oui, c’est une maladie, peut toucher les intestins mais aussi l’ensemble du tube digestif. Elle perturbe à la fois la digestion mais aussi notre état émotionnel, par le biais de ce que l’on appelle « l’axe cerveau-intestin ». On sait aujourd’hui que notre ventre est notre « second cerveau » : l’intestin est le seul organe du corps qui ne se contente pas de recevoir des informations et des ordres du cerveau, mais qui lui en donne également, via le système nerveux entérique (le système nerveux de l’intestin, le plus développé après le cerveau).
Pourquoi est-ce que je te parle de cela? Le Syndrome de l’Intestin Irritable implique notamment une hypersensiblité de ce système nerveux entérique : les sensations, les émotions, les signaux douloureux, tout est démultiplié. J’en parlerai plus longuement dans un prochain article.


A quelle “maison” du “Game of Trône” appartiens-tu ?
Tout à l’heure je t’ai parlé à la fois de constipation et de diarrhée : comment est-ce que deux «choses» qui semblent aussi différentes peuvent-elles témoigner de la même maladie ? En fait c’est complètement typique du Syndrome de l’Intestin Irritable : selon les personnes il va s’exprimer de manière assez voire très différente, aussi bien en «nature» qu’en intensité (légère, modérée, sévère).
C’est pour cette raison que les Intestins Irritables se classent en différents groupes, en fonction de vitesse du transit. Pour déterminer la vitesse du transit = la consistance du caca, on utilise l’échelle de Bristol, la référence dans le domaine.


Du coup on obtient 4 types de Syndrome de l’Intestin Irritable :
Le groupes des Constipés (constipation prédominante= SII-C), avec :
- majoritairement type 1 et 2 plus de 25% du temps,
- moins de 3 fois par semaine,
- des efforts de poussée importants pour évacuer les selles,
- une sensation d’évacuation incomplète,
- mucus dans les selles (les «trucs bizarres» = débris cellulaires et sécrétions accumulés au dessus du bouchon de selles dures)
Le groupe des Relâchés (diarrhée prédominante= SII-D), avec :
- majoritairement type 6 et 7 plus de 25% du temps,
- selles trop fréquentes (plus de 3 par jour)
- caractère urgent des selles, avec risque d’épisode d’incontinence en cas de non-accès à des toilettes,
- morceaux d’aliments mal digérés, glaires graisseuses (autres «trucs bizarres»)
Le groupe des Girouettes (alternance diarrhée/ constipation= SII-M)
Le groupe des Inclassables (selles anormales sans dominante spécifique)
Il faut également savoir une chose, car sinon ce serait trop simple : les symptômes du Syndrome de l’Intestin Irritable peuvent également varier chez une même personne. Par exemple si vous faites partie des Constipés, il est possible que d’ici quelques mois ou quelques années, vous fassiez partie des Girouettes. Il est possible également que les symptômes varient en intensité : rien pendant plusieurs jours ou semaines, puis crises rapprochées.
Les symptômes du Syndrome de l’Intestin Irritable en résumé
Donc, pour faire un petit résumé, le Syndrome de l’Intestin Irritable, ça peut être :
- constipation
- diarrhée,
- alternance diarrhée ou constipation,
- ballonnements, ventre gonflé
- gaz,
- douleurs abdominales,
- borborygmes(bruits d’alien dans le ventre),
- spasmes (mouvements d’alien dans le ventre).
Mais aussi, pour rajouter un peu de plaisir :
Autres symptômes du Syndrome de l’Intestin Irritable, d’ordre physiques ou psychologiques
- Stress, anxiété,
- Maux de tête et migraines,
- Conséquences de la constipation chronique: douleurs dorsales, nausées, hémorroïdes…
- Conséquences de la diarrhée chronique: irritation anus et rectum, douleurs intestinales dues à une micro-inflammation quasi permanente de la muqueuse intestinale…
- Carences micro-nutritionnelles par mauvaise assimilation (sur un très long terme et si symptômes sévères).


De nombreux intestins touchés … surtout chez les femmes
On est très nombreux à être touché parle Syndrome de l’Intestin Irritable. Je dis «on», parce que, tout comme toi peut-être, et comme environ 1 personne sur 5 en France, je suis moi aussi une Intestineuse. D’ailleurs il y a plus d’Intestineuses que d’Intestineux : c’est une maladie plutôt féminine… en Europe, ça dépend des parties du monde à vrai dire, mais c’est aussi une histoire de biais dans les diagnostics.Car c’est une maladie très mal diagnostiquée !
Une fois qu’on l’a… on l’a… mais on baisse pas les bras !!
C’est une maladie chronique, c’est-à-dire qu’une fois qu’on l’a… et bien on l’a. On ne pourra jamais vraiment s’en défaire. Par contre on peut la rendre la plus silencieuse possible, de façon à ce qu’elle nous laisse (presque) tranquille au quotidien. Je mets presque parce que je sais qu’il y a des personnes qui espèrent retrouver « leur vie d’avant », « leur digestion d’avant »… mais ce n’est pas possible.
Actuellement aucun traitement médicamenteux n’est efficace.
Par contre il y existe de nombreuses approches naturelles qui vont t’aider à te réconcilier avec ton ventre. A mieux le connaître et à l’aimer ! 🙂


La bataille du diagnostic : parfois épique mais essentielle !
La première chose à faire bien sûr, c’est d’obtenir un diagnostic, de la part d’un professionnel de santé : ton médecin généraliste, qui pourra si besoin t’orienter vers un gastro-entérologue. Alors, comment dire?… Le Syndrome de l’Intestin Irritable est encore assez mal connu et mal diagnostiqué, et il peut arriver que ton médecin ne soit pas trop à l’écoute. Même s’il y a eu beaucoup de progrès dans la connaissance de la maladie et qu’aujourd’hui on ne la traite plus comme un trouble psychosomatique de bonne femme stressée (j’exagère… mais pas beaucoup… c’est du vécu), certains professionnels ne semblent pas encore très réceptifs.
Attention, je ne dénigre pas du tout les médecins. Ils font un métier souvent difficile et leurs responsabilités sont énormes. La plupart sont des gens admirables. Mais, il faut bien l’avouer, certains d’entre eux manquent cruellement d’empathie. Ce qui peut déboucher sur des situations, cocasses disons, mais parfois franchement limite. Ça peut aller du «mangez du riz, ça ira mieux», «c’est seulement un mal de ventre sans conséquences»à «mais c’est juste dans votre tête madame». Ou pire: «pétez un coup ça ira mieux»… sans commentaire.
Ou plutôt si, avec commentaires, petit coup de gueule : c’est franchement idiot, incroyablement irrespectueux et certainement pas drôle de répondre ça à quelqu’un qui souffre et qui vient chercher de l’aide. Parce que, le Syndrome de l’Intestin Irritable, on a le droit d’en rire, et d’ailleurs il faut en rire (c’est très utile pendant les crises!!!), mais seulement si l’on propose quelque chose d’utile, dans le respect des personnes touchées.
C’est vrai que ce n’est pas une maladie «grave» en soi dans le sens où elle ne met pas la vie en danger… mais vu le formidable potentiel qu’elle possède pour la gâcher, je trouve que ça vaut quand même le coup d’insister pour savoir. Pour en avoir le cœur net et agir en conséquence. Voilà, fin du petit coup de gueule.
Donc, pour résumer : si ton médecin ne semble pas trop à l’écoute ou s’il te propose juste du Météospasmyl, insiste pour faire les examens nécessaires. Ou va voir un autre médecin. Mais ne lâche pas le morceau.


Mais pourquoi est-ce que c’est important d’avoir un diagnostic ?
D’autres maladies, qui peuvent être bien plus graves et avoir de sérieuses conséquences, ont des symptômes en commun avec ceux du Syndrome de l’Intestin Irritable (liste non exhaustive) :
- les maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) de type Crohn ou rectocolite hémorragique,
- la maladie cœliaque,
- l’endométriose,
- le cancer (notamment colorectal et ovarien),
- l’hyperthyroïdie.
Ces maladies nécessitent absolument un diagnostic et une prise en charge spécifique. Donc, si tu présentes un de ces Red flags (signaux d’alerte), c’est médecin direct ! :
- perte de poids inexpliquée,
- antécédents familiaux de pathologies intestinales,
- âge > 50 ans
- diarrhée journalière persistante,
- présence de sang dans les selles,
- anémie,
- fièvre,
- vomissements récurrents,
- mouvements nocturnes de l’intestin,
- progression des symptômes et sévérité des symptômes.


Voilà, on a parlé des choses qui font peur, maintenant revenons à nos problèmes de caca. Je te propose un petit Quiz pour te permettre de comprendre si tes symptômes peuvent correspondre à ceux du Syndrome de l’Intestin Irritable. Attention, ce quizz ne permet pas du tout d’établir un diagnostic !!! Il te propose uniquement des informations qui pourraient t’aider à faire la part des choses à et te décider à aller voir ton médecin si tu penses que peux être touché(e) par le Syndrome de l’Intestin Irritable.
Qu'en pensez-vous ?